Car c’est à toi qu’appartiennent le Règne, la Puissance et la Gloire
pour les siècles des siècles. Amen


Les textes de cette Parole ont été rédigés
par le Père Louis Ridez


A : ENTRER

A1. Introduction

B : DÉCOUVRIR

B1. La parole du Notre Père
B2. L’enluminure
B3. Le texte de l’évangile de référence
B4. Approfondissement biblique
B5. Tradition de l’Église

C : ÉLARGIR

C1. Littérature
C2. Autres images
C3. Musique et chants
C4. Méditations, prières

D : METTRE EN ŒUVRE

D1. Animation culturelle
D2. Animation pastorale

L'ENLUMINURE

Lecture descriptive de l'enluminure

Commentaire théologique de l'image

• Les personnages

L’image occupe une pleine page de l’Évangéliaire, comme c’est le cas pour les huit enluminures les plus importantes, dont celles de la Nativité.
Cette scène où le Christ est élevé dans le ciel sous les yeux des personnages est désignée du nom d’Ascension. Elle renvoie au début des Actes des Apôtres. Le mot « apostoli » dans l’image rappelle que les apôtres qui sont représentés ici au nombre de onze n’ont pas encore élu Matthias pour remplacer Judas. Pierre est le seul des apôtres à être désigné de son nom, comme c’est le cas dans la majorité des enluminures.
L’image désigne aussi Marie (sancta Maria). Dans le récit des Actes, elle n’est pas présente lors de l’Ascension du Christ, mais seulement, avec d’autres femmes, lors du temps de prière qui a suivi l’Ascension.
L’image accorde à Marie une place égale en importance à celle de Pierre, en construisant la zone inférieure en deux parties symétriques par la disposition des personnages et la répartition de trois couleurs. Bien plus, elle est la seule, avec les anges et le Christ, à porter le nimbe. Dans une telle reproduction, c’est au-delà de la personne historique de Marie de Nazareth, sa fonction symbolique qui est mise en avant : elle est « Marie-Église ». Elle est, à l’intérieur de l’Évangéliaire, destiné à la liturgie, l’Église qui célèbre. On peut dire que Pierre et Marie représentent deux figures symboliques complémentaires de l’Église : l’organisation et la contemplation. Ou aussi : les deux principes masculin et féminin, mais à condition de ne pas en faire des distinctions sociologiques.
Les deux anges représentés ici sont désignés, comme dans les Actes, par « duo viri », c’est-à-dire « deux hommes », deux hommes « en blanc » précise le texte, du même blanc que le Christ ressuscité dans la partie supérieure. Les anges sont, dans la Bible, les messagers de Dieu, les initiateurs au mystère.

• Le Christ

C’est le Christ dans les airs qui représente le point de concentration de l’image. Il est à l’intérieur d’une mandorleCe terme vient de l’italien mandorla qui signifie amande. Il désigne une figure en forme d’ovale ou d'amande dans laquelle s’inscrivent des personnages sacrés : le plus souvent le Christ, mais aussi la Vierge Marie ou les saints., figure que l’iconographie orientale a utilisée dès le 6ème siècle pour représenter l’Ascension.
La particularité de la mandorle dans l’Évangéliaire ce sont les encadrements successifs de couleurs différentes. D’abord un encadrement comme celui-là même de l’enluminure. Nous avons ainsi une image dans l’image, ou, pourrait-on dire, une fenêtre qui s’ouvre dans la fenêtre. Cette impression d’ouverture sur un autre monde est renforcée par la reproduction d’une mandorle au fond bleu azur encadré d’or, qui encadre une autre mandorle aux couleurs vibrantes de fond vert et de cadre d’or. Ce « buisson ardent », oserait-on dire, sert d’arrière-fond à la personne du Christ.
Le symbole de la mandorle tel qu’il est représenté ici revêt une signification originale. La mandorle est liée habituellement aux représentations du Christ juge, assis majestueusement sur un trône cosmique constitué d’un arc en ciel. Ici, en la cinquantième et-originellement la dernière enluminure, celui qui est représenté, c’est, l’homme Jésus, celui que les apôtres ont découvert tout au long de leur cheminement avec lui sur les routes de Palestine. C’est aussi le Christ de la Passion qui a vaincu la haine et la mort. Les encadrements successifs sont comme les conques d’une amande qu’il faut traverser pour atteindre la douceur de son fruit. Invitation à la contemplation.
Ce Christ, à l’intérieur de la mandorle, récapitule les différents moments de sa vie. Il apparaît comme ce Jésus de Nazareth que les apôtres ont suivi tout au long de sa Vie Publique, tel que nous le voyons, par ex. dans les scènes des Vendeurs chassés du temple, de la Femme adultère, de la Multiplication des pains, de la Guérison de l’Aveugle-né, présentes dans ce parcours du Notre Père.
Mais ici, dans l’enluminure de l’Ascension, le Christ ne porte pas le manteau de pourpre bleu de la Vie publique, il porte le manteau de couleur blanc ivoire des scènes de la résurrection La croix sur l’épaule gauche n’est pas ici la croix du supplice, c’est une croix en or, signe de victoire sur la mort.
Ainsi, de manière paradoxale, les douze, dans le bas de l’image sont invités à contempler, à travers celui avec qui ils ont cheminé, le mystère qu’il cachait : le Christ « hier, aujourd’hui et demain », comme dira Saint Paul.
C’est bien là le sens de la mandorle aux encadrements successifs qui protègent le cœur du mystère tout en invitant à s’en approcher. Il est intéressant de constater que c’est la seule enluminure qui ne reproduise pas, répartie autour de la tête du Christ, les deux désignations « IHC XPC » (sous entendu : Jésus-Christ). C’est l’ensemble de la mandorle, avec les deux signes de la croix glorieuse et de la main du Père, qui assume la fonction que remplissaient ces désignations. Le Livre que tenait le Christ dans les scènes précédentes, peut ne plus être représenté. Les Écritures trouvent ici leur accomplissement.

• La main du Père

Un détail échappe souvent, au premier abord, au spectateur. Il est pourtant la clé de lecture de l’enluminure : c’est la main qui surgit du ciel pour saisir le Christ par le poignet. Cette évocation du Père rattache cette image de l’Ascension, qui clôt la Vie publique, à celle qui l’ouvre, l’image du Baptême. Toutes deux traduisent ce qu’est le message inattendu de l’Évangile et la révélation par excellence. Jésus de Nazareth, le Christ, est Fils du Père dans l’unité de l’Esprit. Le moyen utilisé ici pour traduire visuellement ce mystère de communion, c’est le symbole de l’empoignement.
Le Père, resté complètement invisible au baptême, s’était manifesté par les sept rayons qui accompagnaient la colombe, par la présence des anges, par le geste de Jean-Baptiste. Ici, il se manifeste par la main qui ramène à lui le Christ qu’il a envoyé. La main, visible dans la dernière enluminure qui représente le Christ, manifeste que le Père n’a cessé, tout au long de la vie terrestre de son de son Fils, d’être solidaire de lui, dans l’amour qui les unit dans l’Esprit.
On peut légitimement voir dans ce symbole très fort de la main du Père, qui saisit le poignet du Fils pour l’attirer à lui, la représentation de leur unité indéfectible dans l’Esprit. L’enluminure de l’Ascension est une image trinitaire comme celle du baptême. Ces deux enluminures contribuent à souligner la dimension trinitaire du Notre Père.
La main du Père et le haut de la croix glorieuse sont en correspondance, en se situant toutes deux, en haut de l’image, hors du cadre de la mandorle, dans le vaste espace libre du haut de l’enluminure.

• La gloire

La mandorle dans l’enluminure se substitue à la nuée dans le texte comme symbole de la gloire. L’enluminure de l’Ascension, à la suite de l’Évangile de Jean et selon l’esprit de la Liturgie, ne sépare pas la « Gloire » du Père de la « Gloire » du Fils. Elle s’inscrit ainsi dans le mouvement de la Prière eucharistique : la doxologie finale du Notre Père correspond à la doxologie finale de la prière eucharistique: « Par Lui, avec Lui et en Lui, à toi, Dieu le Père tout puissant, tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles ».

• Le moment et le lieu de la scène

L’enluminure ne cherche pas à reproduire un moment historique précis de la vie du Christ. Elle ne cherche pas non plus à se rattacher à un point précis du texte. L’enluminure représente un moment liturgique, rendu toujours actuel dans la célébration. L’image, en effet, est à l’intérieur d’un livre destiné à la célébration. Elle invite les participants, dans un rapport large aux textes de référence, à contempler le mystère de leur destinée à travers celle du Christ. Sa résurrection est leur résurrection.
L’enluminure ne prend tout son sens que par rapport à la célébration liturgique. Elle représente, elle rend présent, ce que vit dans le croyant.
Le lieu de la scène contribue à renforcer cet appel à contempler. La scène se passe au Mont des Oliviers. La composition, nous l’avons dit, donne une impression de montée. Elle invite ceux qui contemplent l’image, en se tenant à l’écoute du texte, à lever les yeux, à pénétrer au cœur du message.

© PCI 2004 by Geneviève GAILLOT, Denis JACOB, Louis RIDEZ, Pierre ROBITAILLE